Il y a du « meurtre » métaphorique dans le jardin français qu’Aurore de Sousa permet de traverser. La géométrisation des espaces se perce, s’échancre. La pensée grimpe sur les claires-voies d’un songe. Et peu à peu surgit implicitement un langage particulier du jardin. Les variations plastiques créent des effets de miroir ou plutôt de transfert.. Le jardin n’est plus conçu un simple hiatus, une parenthèse, un havre ou un supplément de nature. Non seulement on croit entendre la voix des bosquets en réverbérations mais on devient le confident de leurs opérations les plus secrètes. Celles de l’artiste aussi. Elle a raison de notre logique en proposant une traversée nostalgique certes mais heureuse. La créatrice retient le jardin au second plan afin de donner à son aura plus de sens. De paysagiste elle se métamorphose en abstractrice de quintessence. Et si selon Baudelaire « le cœur d’une ville change plus vite que celui d’un mortel », celui du jardin possède une sorte d’éternité. Le regard attentif s’épuise sur ce qui ne bouge pas ou si peu. Dans le vert rien de net, de précis. De vieux souvenirs passent et repassent en boucles. L'attente s'étire vers rien. Le temps va l’amble, minute après minute, heure par heure. A l’opposé d’une illusion paysagère réaliste, fidèle, objective, naturelle entretenue par la foi en un signifié transcendant garant de l’ordre naturel Aurore de Sousa impose sa poésie du lieu. Elle n’en propose pas la topographie mais son utopie. L’artiste prouve combien en ce jardin se manifeste quelque chose du regard. Tout entier il se fait paysage. Bref le jardin
"vert passé entre les pierres couvertes d'algues courtes (A. Emaz)
nous regarde le regarder.
Jean-Paul Gavart Perret
Essayiste et critique d’art