Deux définitions que propose Octavio Paz de l’œuvre d’art semblent faites pour les photographies d’Aurore de Sousa : celle du « pont » : l’œuvre d’art nous fait passer d’un ici et maintenant vers un là-bas dans un autre temps ; celle du « talisman » : l’œuvre échange la réalité visible contre une autre… Ses photographies sont à la fois ouvrage élaboré pour constituer le lien et objet doté de pouvoirs merveilleux. Et nous, face à ces miroirs au tain tavelé, face à ce corps indécis, nous tentons la traversée des apparences.
Le cadre ouvert, fausse limite laisse entrevoir un temps qui ne nous appartient pas mais qui vit en nous, malgré nous. Un temps qui imprègne corps et esprit, désir et peur de comprendre le sens véritable de l’image.
Un temps qui a nourri ses jambes à elle, ses pieds nus dans la lumière du monde, sa chevelure à demi déployée : un temps dont nous venons nous aussi ?
Avec l’image de la plume frontière une écriture se livre et se dérobe, aussi implacable sous sa douceur que ces phrases empruntées à Jean–Paul Enthoven : « comme si nul ne pouvait renaître selon sa fantaisie » , « comme si la mémoire et l’origine gouvernaient nos vies plus fermement qu’on ne l’aurait cru » .
Fabienne di Rocco, collaboratrice de Eduardo Arroyo